COMPÉTENCES VS CONNAISSANCES

Bonjour;

le magazine l'Actualité vient de publier un excellent article sur la réforme scolaire au Québec. D'après cet article, dorénavant les enseignants du primaire et du secondaire devront mettre l'accent sur l'apprentissage de compétences plutôt que de connaissances. Et ce dans toutes les disciplines ...pardon, ce mot n'existe plus... et ce dans tous les domaines d'apprentissage des apprenants (élèves ou étudiants si vous préférez). Il y en a 5, les mêmes au primaire et au secondaire: 1- langues; 2- mathématiques,sciences et technologies; 3- univers social; 4- arts; 5- dévelopement personnel. Les matières académiques qui nous ont été enseignées ou que nous avons enseignées (français, littérature, anglais, histoire, géographie, éducation physique, etc...etc...) sont toutes intégrées dans ces domaines d'apprentissage. De plus, notre cher Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) inpose cette réforme par le biais du socioconstructivisme. C'est-à-dire qu'il confie aux apprenants le soin d'organiser eux-mêmes leurs propres apprentissages, en collaboration avec leurs camarades. Rien de moins! Pourtant, les compétences sont déterminées d'avance par le Ministère, mais par contre, on demande aux élèves de construire eux-mêmes leurs apprentissages . Quel paradoxe!

Et l'évaluation là dedans? Le pauvre enseignant de «l'univers social» qui doit évaluer de quelle façon chacun de ses 33 «apprenants» a réussi à «construire sa conscience citoyenne à l'échelle planétaire» ou «à mettre en oeuvre sa pensée créatrice» pour l'apprenant en arts. Toutes ces «compétences», qu'elles soient transversales (qui chevauchent plusieurs domaines d'apprentissage) ou disciplinaires (directement rattachée à une discipline) doivent s'exprimer par des oeuvres concrètes: poème, livre de recettes, affiche publicitaire, chanson, exposé, exposition, etc.

À première vue, cette approche peut permettre de rendre l'apprentissage plus vivant, plus accrocheur pour les élèves. Mais, comme les notions de base c'est-à-dire les connaissances ne sont plus enseignées (ou si peu), et surtout, qu'on laisse à l'étudiant le libre-choix de ce qu'il doit apprendre, comment ces étudiants pourront-ils avoir un minimum décent de connaissances théoriques et de culture générale pour fonctionner adéquatement dans la vraie vie?

Quelques exemples. Il ne sa passe pas une journée sans que je constate que plusieurs journalistes ou personnalités ne sachent exprimer clairement leurs idées. Concordance des temps inexistante (on met tous les verbes au présent), méconnaissance des modes du subjonctif ou du conditionnel) de telle sorte que ces personnes ne sont pas capables de se faire comprendre clairement, de nuancer leur point de vue. Si c'est déjà un constat actuel, alors que la plupart de ces communicateurs ont fait leur CEGEP et leur cours secondaire il y a quelques années, imaginez maintenant comment pourra s'exprimer la cohorte des enfants qui subiront cette réforme. Pensez-vous qu'ils vont apprendre par eux-même la concordance des temps, ou la syntaxe des verbes pronominaux, ou bien la forme interrogative indirecte ou l'accord du gérondif?

Et ici je ne parle que de l'apprentissage du français. On pourrait faire les mêmes réflexions pour toutes les disciplines académiques. J'ai la ferme conviction qu'on est en train de mettre la charrue avant les boeufs. Un vieux proverbe dit qu'«on ne donne pas ce qu'on n'a pas». Il ne peut y avoir de compétences sans un prérequis de connaissances idoines.

Pour construire un pont, un ingénieur doit avoir toutes les connaissances pertinentes sur la résistance et la propriété des métaux utilisés. Je ne nie pas que plusieurs domaines de connaissances actuelles sont le résultat d'un apprentissage empirique. Mais, est-ce qu'on va réinventer la roue à chaque jour, dans chaque pays?

Voilà, ces quelques commentaires ne sont qu'une piste de réflexion. Si quelques lecteurs pouvaient laisser leurs commentaires, pour ou contre, ce serait très apprécié.