Réponse à un misogyne

Réponse à Jacques Noël

Le 7 décembre, ce monsieur écrivait dans le journal Le Soleil un brûlot intitulé : «Ces femmes qui contrôlent la télé». Dès les premières lignes, j’ai été séduit par sa plume alerte et son verbe légèrement moqueur. Je croyais qu’il voulait passer un message amical, lancer une mise en garde. Mais j’ai vite déchanté. Je me suis hélas rendu compte que le ton de sa lettre était carrément misogyne et même raciste.

Tout d’abord, monsieur, laissez moi vous rappeler que les hommes ne sont pas disparus du petit écran. De mémoire, je vous nomme quelques grandes gueules qui ne passent pas inaperçus du tout et qu’on peut voir presque quotidiennement pour la plupart : Charles Lafortune, Pierre Jobin, Pierre Bruneau, Patrice L’Écuyer, Ricardo, Charles Tisseyre, Michel Jasmin, Louis-José Houde, Mario Jean, Michel Anctil, Coalier père et fils, Jean-René Dufort, Marc Labrèche, Éric Salvail, Normand Brathwaite, etc, etc. Et parmi eux, il y en a aussi «à l’accent resté coincé dans les portes de l’école internationale» ou «à l’accent là là du riche terroir.» Il y en a même dont le débit est si rapide qu’on perd une syllabe sur deux. Il en est même qui crient au lieu de parler.

Vous m’avez beaucoup choqué avec votre insistance à ridiculiser les journalistes et présentatrices «à saveur ethnique». Pour vous, toutes les femmes du monde cathodique devraient être des Tremblay à la peau blanche? Tant qu’il y aura des dinosaures comme vous, nos oreilles continueront d’être écorchées par les Fillion, Arthur et Mailloux de ce monde pour les encourager à polluer nos ondes.

Tout ce que vous reprochez à ces femmes, dans le fond, c’est d’être des femmes. Les mêmes travers que vous leur trouvez (accent coincé, gesticuler, couleur de la peau, yeux bleus, passer la gratte, être bien rémunérées, soigner les bobos de l’âme, tomber dans les pommes, etc) ne seraient que de la fermeté, un trait de personnalité ou du professionnalisme si c’étaient des hommes à leur place.

Venons en à l’accent. Ça l’air à vous traumatiser énormément le fait que les lectrices de nouvelles et les reporters à l’étranger de Radio Canada s’expriment dans un langage correct, compréhensible et bien articulé. Vous préféreriez les remplacer par un Normand Brathwaite, Un Louis-José Houde ou un Mario Jean pour bien entendre l’accent populaire? C’est sans doute votre rêve de niveler la culture, les valeurs, la langue par le bas? D’en arriver à une créolisation généralisée, à la disparition de toute rectitude langagière? «Ô qu’on é ben entre nous, câlisse. À bas les maudits Français et leur accent!»

Quand vous affirmez que «Radio-Canada doit être la seule télé nationale au monde où les lectrices ne lisent pas les nouvelles avec le même accent que le peuple auquel elles s’adressent», sur quelle étude vous basez-vous? Avez-vous écouté les présentatrices de Radio Cameroun, de Radio Sénégal ou de Radio Bombay pour comparer leur accent avec celui de leurs concitoyens?

En fait, existe-t-il un seul accent du peuple? Je ne suis pas sûr que vous aimeriez entendre les lecteurs de nouvelles s’exprimer avec les â montréalais (Parc Jâry, la guitâr dans le gârâge) ou n’importe quelle autre particularité régionale.

Et que dire de votre commentaire acerbe et méchant sur Denise Bombardier, qualifiant ses commentaires de perversion. C’est l’une des rares personnes qui a encore le courage de ne pas être politiquement correcte et qui a l’autorité nécessaire pour dénoncer des situations et des propos décadents et ridicules de nos politiciens et personnages publics. Qu’elle ait eu une enfance à l’eau bénite, donc une éducation judéo-chrétienne, comme tous les petits canadiens français de l’époque devrait vous réjouir, vous qui n’aimez pas les étrangers. Si vous vous donniez la peine de l’écouter sans préjugés machistes ou de lire ses billets vous constateriez qu’elle a su développer un jugement nuancé et non pas seulement teinté à l’eau bénite, mais au contraire affiné par une multitude de courants bien actuels.

En terminant, je tiens à souligner que vos propos extrémistes contre Télé-Québec dénotent votre manque d’ouverture pour élargir votre horizon nombriliste, très représentatif, hélas, d’une majorité de québécois. Et Télé-Québec est l’une des rares télé à faire un travail de conscientisation pour nous ouvrir au reste du monde, et ainsi pour nous aider à accueillir les immigrants avec respect. Et surtout, elle œuvre à contrer la trop grande influence culturelle étasunienne. Mission dont elle s’acquitte plutôt bien.

Comments

[Louise]

Superbe article. Merci d'avoir répondu à ce monsieur qui semble avoir des problèmes majeurs! Merci en tant que femme, en tant que Québécoise et en tant que francophone.